J4
13 mars 2023
Dans le dernier quart de nuit le Grand-duc d’Ascalf, croisse du sommet d’une dune puis rejoint la crête suivante, comme s’il annonçait à la nuit notre présence.
A l’aube quelques corbeaux noirs prennent le relais de leurs cris roques, nous extirpant de notre sommeil.
La nuit fut douce et réparatrice du manque de sommeil des nuits précédentes. Pour me libérer un mois pour accompagner la caravane KAFILA, j’ai dû travailler une partie de mes nuits les jours derniers. J’apprécie ce sommeil régénérateur sous les étoiles du désert.
Les voyageurs commencent à rentrer dans la caravane, chacun est rapidement près et les consignes sont assimilées.
La rive gauche du Drâa est plus arides dans cette partie. Nous traversons plusieurs zones de ruines anciennes de villages abandonnés, dont les restes montre des soubassements de maisons et de ksar construits en pisé et en petite briques de terre crues.
Brahim nous raconte que le village de Sidi L’boudani d’origine d’une tribus Arabe a été abandonné il y a plus de 400 ans, dont Si Rhal Boudani, probablement un descendant serait parti à Marrakech au 16ème siècle.
Brahim qui habitait le village en face sur l’autre rive, se rappelle enfant que des voyageurs venaient en procession se recueillir sur sa tombe. Il reste maintenant quelques bases de ruines.
Une légende racontée par les anciens dit : « depuis ce village de la vallée du Drâa, une chèvre pouvait autrefois sauter du toit d’une maison à l’autre jusqu’à la dune de Zaighr (A l’Est de Sidi Naji), tellement les villages et habitations étaient nombreux ».
Nous rejoignons le lit du Drâa où un grand troupeau de dromadaires pâture acacias et tamaris, la meilleure nourriture pour les chameaux. À la suite des dernières pluies l’eau du Drâa a coulé et les plantes ont retrouvé vie. Grisâtres où desséchées, un camaïeu de vert est venu parer le fond et les rives de l’oued.
Cet oued du Drâa prend sa source sur les hauts plateaux du Dadès sous le nom d’oued Dadès. Ensuite il récolte les eaux du M’goun, du Tichka, d’une partie du Siroua qui s’écoule dans l’oued Fint. Après la cuvette de Ouarzazate dès la haute gorge il porte le nom oued Drâa et son lit rejoint l’Océan Atlantique à Tan-Tan après avoir traversé plus de 1000 km de vallées et de désert.
L’ombre d’un petit acacia nous offre une légère fraîcheur pour notre repas de midi.
Quelques voyageurs rejoignent le coin cuisine pour la préparation de la grande salade de midi, avec fromage et pain complet. Brahim Boutkhoum arrive avec une théière fumante, toujours très apprécié à la pose de milieu de journée.
En face sur la rive gauche se détache la ruine d’un pan de mur. Brahim Bakkas nous raconte que sur ce lieu, un marabout du nom de Tidri était vénéré par les musulmans et les juifs de la région. A l’âge de 5 ans il était parti avec sa maman et des femmes du village sur le tombeau. Son frère avait reçu d’un frère aîné le cadeau d’un ballon en plastique. Le vent s’était levé et le ballon roulait dans la poussière. Son frère de 7 ans et couru longtemps au milieu du vent et de la poussière jusqu’à retrouver le ballon bloqué au loin dans un petit bosquet de tamaris. Quand il voulut traverser le Drâa, l’oued venait de couler et il eut la sagesse de ne pas mettre les pieds dans le courant boueux. Il fut recueilli par un nomade Arabe qui pâturait sur cette rive avec son troupeau. Le lendemain le nomade assit l’enfant en haut d’un chameau pour que de l’autre côté de la rive les habitants comprennent que l’enfant n’était pas emporté par la crue de l’oued. Il le nourrit et l’hébergea sous sa tente 8 jours jusqu’à ce que l’oued d’écrue suffisamment pour être traversé.
Nous reprenons notre marche dans l’oued jusqu’à la daya de Tidri. Marchant à l’arrière du groupe je trouve trois voyageurs déjà les pieds dans l’eau de cette piscine naturelle. Nous nagerons 30 mn au milieu de l’oued dans la douceur de cette eau aux vertus thérapeutiques, un peu salée et boueuse sur les rives.
Cela fait longtemps que je n’ai pas nagé dans l’eau du désert. Ce moment sublime me rappelle les vasques remplies d’eau de pluie sur les dalles sud du Jbel Bani, c’était il y a 18 ans.
20 km 6 heures de marche, altitude 600 mètres.