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30 mars 2023

Journée de repos à TAMNOUGALT.
Les « artistes voyageurs » de la caravane KAFILA, profitent de ce temps pour travailler mettre un peu d’ordre dans leurs notes, dessiner, se reposer, laver un peu de linge, après vingt jours de marche.

Le Vicomte Charles de FOUCAULD, lors de son voyage Reconnaissance au Maroc, 1883 – 1884 séjournera à TAMNOUGALT du 15 au 20 avril 1884.
Extrait de son carnet de voyage :

« De TISSINT au DADES : A 1 heure, j’arrive à l’oued Dra. La vallée apparait comme une bande verte serpentant entre deux chaînes de montagnes : à mes yeux s’étendent des palmiers innombrable, mêlé de milles arbres fruitiers ; entre les branches, on aperçoit, de distance en distance, un ruban d’argent, les eaux du fleuve, une foule de ksars, masses brunes ou roses hérissées de tourelles, s’échelonnent à la lisière des plantations et sur les premières pentes des flancs. Ceux-ci sont : à gauche, les parois tourmentées et escarpées, pleines de crevasses et de cavernes, du Kissane, chaîne nue de roche rose, de 200 à 300 mètres de hauteur, à droite, un talus de pierre noire et luisante, aux crêtes uniformes, aux surfaces lisses, aux côtes raides ; il s’appelle Koudia Oulad Iahia, ; il a 150 à 200 mètres d’élévation. Entre ces deux murailles s’étend le fond de la vallée, surface de 1200 à 1800 mètres de large, couverte de sable fin, et unie comme une glace ; au milieu coule l’Oued Dra, sur un lit sable sans berges, presque au niveau du sol voisin, qu’il inonde dans ses crues ; le lit a une largeur moyenne de 150 mètres, dont 60 à 100 toujours remplis d’eau. Sur ses rives, le fond de la vallée est un jardin enchanteur : figuiers, Taqqaïout, grenadiers s’y pressent, ; ils confondent leur feuillage et répandent sur le sol une ombre épaisse ; au-dessus se balancent les hauts panaches des dattiers. Sous ce dôme, c’est un seul tapis de verdure : pas une place nue ;la terre n’est que cultures, que semis ; elle est divisée avec un ordre minutieux en infinité de parcelles, chacune close de murs de pisé ; une foule de canaux la sillonnent, apportant l’eu et la fraîcheur. Partout éclate la fertilité de se sol bienfaisant, partout se reconnait la présence d’une race laborieuse, partout apparaissent les indices d’une population riche : à côté des céréales, des légumes poussent sous les palmiers et les arbres à fruits, se voient des tonnelles garnies de vigne, des pavillons en pisé, lieux de repos où l’on passe, dans l’ombre et la fraîcheur, les heures chaudes du jour. Telle est, depuis le pied des parois de roche qui la bordent, tourte la vallée du Dra, jardin merveilleux de 150 kilomètres de long. Une foule innombrable de ksars s’échelonnent sur les premières pentes des deux flancs : peu sont dans la vallée, autant par économie d’un sol précieux que par crainte des inondations. Ils ont tous ce caractère d’élégance qui est particulier aux constructions du Dra ; point de murs qui ne soient couverts de moulures, de dessins, et percés de créneaux blanchis, de hautes tirremt, des tours s’élèvent de toutes parts ; les maisons les plus pauvres même sont garnies de clochetons, d’arcades, de balustrades à jour. Un des principaux de ces ksars, la capitale de Mezgita, TAMNOUGALT, est mon but d’aujourd’hui. J’y arrive à 2 heures et demie, en cheminant à l’ombre des grands arbres. Avant d’y entrer, j’ai travers » l’oued Dra ; on ne peut le franchir partout : il faut prendre les gués. Celui où je l’ai passé présentait une nappe d’eau de 120 mètres de large, avec 60 à 70 centimètres de profondeur. Le fond était de sable, les eaux jaunes, fraîche et bonnes. Courant rapide.
TAMNOUGALT est un beau ksar, résidence d’Abd er Rahman ben El Hassen, cheikh héréditaire du Mezgita, et capitale de ce district. Elle est, comme tout le Dra, peuplée exclusivement d’Harratin. J’y séjournerai quelques jours avant de prendre ma course vers le Dadès.
Le Mezgita se compose de la bordure de cultures et de ksar qui garnit les deux rives de l’Oued Dra dans la région où je me trouve ; il ne s’étend pas au-delà de la vallée propre du fleuve. C’est une bande longue et étroite, qui n’a jamais plus de 2 kilomètres de large. Il en est de même des autres districts du Dra, sans exception : l’Aït Seddrât, l’Aït Zeri, le Tinzouline, le Ternata, le Feouata, le Qtaoua, El M’hamid sont identiques ; tels d’entre eux ne se composent même que de la demi-vallée du fleuve. Ce sont les Mezgita, des tronçons plus ou moins grands de cette longue ligne verte qui serpente dans le Sahara, et qu’on appelle le pays de Dra. Celui-ci est donc une ligne : le nom ne s’en applique qu’à la vallée propre de l’oued Dra, c’est-à-dire aux 500 mètres qui, du Mezgita à El M’hamid, bordent chaque rive. Nulle part la bande ne s’étend davantage. Au-dessous du Tinzouline, les hautes montagnes qui la resserrent jusque-là s’écartent par degrés, et le Dra finit par couler en plaine ; mais le ruban de palmiers et de cultures ne s’élargit pas : il reste toujours ce qu’il est ici. Il y a loin de cette ligne aux vastes territoires marqués sur nos anciennes cartes. J’observerai le même fait pour les autres oasis que je verrai : le Todra, le Ferkla, le Reris, les divers districts du Ziz, ne sont pas différents. Ce sont des lignes ».