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31 mars 2023

La caravane quitte Tamnougalt après une journée de repos. Nous traversons la splendide palmeraie particulièrement verte de Mezguida, qui doit bénéficier d’eau souterraine car située à la sortie des gorges du Drâa.
Notre étape d’aujourd’hui au-delà d’Agdz s’effectue au village d’Aslim.
La caravane s’arrête sur la terre des Caïds Ali qui autrefois commandaient le haut Drâa.
Le terrain plat du camping à permit l’installation du « Bibliotobis », une plate-forme multimédia créée par l’Ambassade de France et géré par l’IFM. Ce conteneur transformé s’ouvre latéralement pour devenir une bibliothèque, musée virtuel, atelier de découvertes et de créations à destination de tous publics jeunes et adultes. Cette énorme semi-remorque sillonne les routes du Maroc depuis plus d’une année, s’arrêtant minimum deux semaines à chaque étape, souvent dans des petits villages.
A l’occasion de la venue de la caravane KAFILA, l’Institut Français du Maroc à programmé une tournée du « Bibliotobis » dans la vallée du Drâa, installé à M’hamid Ghizlane à notre départ des sables du désert. Nous le retrouvons aujourd’hui au passage de notre caravane.
Des professeurs avec leurs classes sont en cours de visite. L’après-midi Guillaume offre de son temps pour dessiner avec les enfants à la sortie de leur immersion du « bibliotobis ».
Nous sommes accueillis par le grand-père Hadj Ahmed Aït L’Caïd, homme d’une autre époque, descendant d’une lignée de Caïds ayant régné des générations sur le haut Drâa.
Haj Ahmed à quatre-vingt-seize ans.
Le repas de midi s’effectue à l’ombre des palmiers.
A treize heures M’bark Ait El Kaïd, sociologue, un des fils du Hadj Ahmed, nous offre une visite de la Kasbah familiale. Nous découvrons une demeure unique, les voûtes se succèdent vers une grande coure. A l’époque de la splendeur de cet ensemble de kasbahs fortifiées, les fontaines coulaient au milieu de jardins intérieurs embaumés des parfums d’orangers. L’entretien des lieux à complètement disparu et cette époque seigneuriale n’a laissé qu’une partie de la bâtisse aux plafonds de plâtres peints des motifs naïfs et florales. Les mêmes « Malhémes » (maîtres artisans ont décoré les anciens toits de terre, des « tighremt » (kasbahs fortifiées) des hautes vallées de l’Atlas, que l’on peut encore admirer aux Aït Bougmez, Boulie et Tessaout.
2 heures 30 de marche, 9 km sur des sentiers entre les jardins, altitude 940 mètres, plus une heure de visite du site.
Ce soir nous attendons cinq invités qui enrichirons de leurs connaissances les voyageurs – artistes.
Brahim s’affaire avec toute l’équipe pour préparer un repas dans le local de l’ancienne cuisine du restaurant désaffecté du camping. Il est plus à l’aise que dans notre tente cuisine, pour travailler debout et utiliser les tables en inox où nous branchons nos bouteilles de gaz.
Si M’bark met à notre disposition des grandes banquettes de mousses, des tentures, des coussins et une immense toile verte en guise de tapis. Nous disposons cela au pied d’un bosquet de palmiers sur une sorte d’estrade surélevée où autrefois de grandes fêtes Awrach ont eu lieu. Le Hadj Ahmed venu nous rejoindre me raconte cette époque qu’il évoque avec beaucoup d’émotions. Il a accompagné le Roi feu Mohamed V et le Prince Moulay Hassan à M’hamid Ghizlane lors de leur venue. L’appel à la prière du Maghreb retentit dans l’oasis, d’une mosquée à l’autre comme un écho.
Le repas du Ftor s’ouvre pour l’équipe, les voyageurs – artistes et nos invités venus rejoindre le bivouac en fin d’après-midi.
Cette tablée dans les lueurs du couchant au pieds des palmiers est un véritable tableau vivant, Hadj Ahmed semble très heureux, nous également.
Pour notre soirée scientifique sur le thème de l’eau, nous utilisons le grand écran à l’intérieur du « bibliotobis ».
Younès Fakir, enseignant hydrogéologue à la
Faculté Cadi Ayad à Marrakech commence cette conférence. Il nous explique le cheminement de l’eau qui alimente la palmeraie du Drâa en s’écoulant depuis l’Atlas, suivant les oueds jusque dans le désert et s’infiltre sous les alluvions et les enjeux de la durabilité des systèmes oasiens.
Soucis depuis une dizaine d’années, neige et pluie sont devenus si rare. Le résultat est catastrophique pour les vallées, les oasis et toutes les cultures des vallées de l’Atlas aux portes du désert. Le phénomène est similaire sur le versant nord de l’Atlas jusque dans la plaine du Haouz et Marrakech où les nappes faucilles se sont enfoncées, démesurément pompées, voir asséchées.
La crise de l’eau s’annonce grave, particulièrement pour l’agriculture et l’autonomie alimentaire. Si le phénomène de sécheresse et de stress hydrique continue, l’eau alimentaire de ces prochaines années viendra de la côte grâce aux usines de dessalements déjà en constructions.
Pierre-Louis Frison, enseignant chercheur dans une université à Paris. A Marrakech pour deux ans dans le cadre d’un projet d’optimisation de l’eau à partir de données recueillies d’observations satellites, de zones où la neige et les pluies sont tombées. Ces analyses en temps réels pourraient permettre aux agriculteurs d’optimiser les possibilités offertes pour semer, cultiver et nourrir la population.
Moustapha Faouzi, venu de Zagora, directeur de l’ANZOA sur le bassin hydraulique du Drâa nous explique les mécanismes et programmes mis en place par l’État et conjointement avec des ONG, pour améliorer la vie des populations.
Brahim nous rappelle qu’un tajine de viande aux pruneaux et figues nous attend sous les palmiers, suivit d’un gâteau dattes et pommes caramélisés au miel. Repas particulièrement savoureux, digne d’un repas étoilé sous la voûte céleste.