J11

20 mars 2023

Le vent a soufflé la nuit, les palmiers ont brassé l’air de leurs feuillages. Dormir cette nuit à l’abri était un vrai repos.
Brahim arrive avec les dromadaires comme prévu, départ de la caravane à 8 heures 30 mn.
Nous quittons Tamgrout plein nord dans la plaine, la montagne du Jbel Zagora coupe en son milieu l’immense cirque. Nous effectuons la pose midi au village de Zaouït L’fteu chez notre ami Ali, chamelier. Reçu par ses filles sur de superbe tapis colorés en lirette. Quelques galettes de pain encore fumants sorties du four à brindilles. Ali est actuellement dans le désert de Chgaga et son épouse dans la famille. Asma qui part au collège nous accompagne à l’entrée de la palmeraie pour nous indiquer le sentier pour le passage de nos dromadaires chargés.
Nous longeons l’oued Drâa, des petites dunes bordent les jardins et la palmeraie rive droite. Par un petit sentier entre deux murs de pisé nous arrivons directement au camping Sindibad en lisière de la ville de Zagora.
Nos deux tentes nomades installées sur une terrasse bordée d’un tamaris surplombent les jardins.
5 heures de marche, 20 km, altitude 720 m.

VILLE et FORTERESSE ancienne de ZAGORA.
Milieu d’après-midi je grimpe sur le Jbel Zagora, altitude 970 mètres.
Le point de vue sur la vallée est exceptionnel, à 360*. La vue est très lointaine sur l’immense cirque montagneux qui entoure la plaine de Zagora.
Au pied et sur le flanc nord de ce site, se trouve un immense rempart avec des ruines d’habitations.
En haut d’une falaise et de pentes très raides, Sur le plateau sommital légèrement déversé vers l’Est se trouve le rempart d’une forteresse médiévale Almohade du XIème siècle, du nom de Tamdalt. Le site bâtit en haut d’une falaise et de pentes très raides était imprenable. Des ruines de petites maisons remplissent le site.
L’ensemble de ces deux villes atteste d’une vie très importante et organisée qui devait représenter vue le nombre de ruines des dizaines de milliers d’habitants.

« Dans son livre sur l’histoire du Maroc Saharien, Dj Jacques Meunier évoque des principautés juives et chrétiennes dans la vallée du Draa avant l’arrivée de l’Islam. Les sources sont des livres de rabbins de la vallée, écrits bien plus tard, plus ou moins bien traduits et dont les originaux ont disparu. Donc, il est difficile de faire la part entre l’histoire et les légendes, d’autant plus qu’il n’y a pas de preuves archéologiques permettant de rattacher des ruines telles que Foum Tidri à une religion ou une autre. Il y aurait peut-être eu vers la fin de l’empire romain (qui ne sont pas venus dans le sud) une tribu de chrétiens noirs dans la région de Zagora, qui a certaines époques guerroyaient contre une principauté juive ancienne plus en aval vers Foum Tidri. Malgré le renfort d’autres chrétiens blancs venus du Nord, région de Volubilis, les tribus juives auraient dominé la région.
Les premiers musulmans seraient arrivés après la fondation de Sijilmassa en 757, mais les trois religions seraient restées présentent jusqu’à l’arrivée des almoravides.
Les cités juives les plus importantes auraient été Tazroute (qui deviendra Zagora) et Tamgrout.
Ensuite, l’histoire devient bien mieux documentée. Venus de l’actuelle Mauritanie, après s’être installés à Nul Lamta (Asrir près de Guelmim) les almoravides conquièrent progressivement les régions entre l’Anti-Atlas et Sijilmassa entre 1052 et 1058 dirigés par Ibn Yassine puis Abou Bakr. C’est à partir de ce moment qu’est construite la cité dont les ruines sont encore visible sur le versant nord du Djebel Zagora.
Ces ruines ont été fouillées en partie à la fin du protectorat par deux archéologues français, dont le rapport est ci-dessous. En résumé, (le texte fait 19 pages avec des plans, en supprimant les pages de photos mal visibles en reproduction) ils expliquent la situation de la cité par rapport aux autres villes de l’époque selon les auteurs arabes anciens et les itinéraires. Ils décrivent le rempart de 1350 m de long et 2,5 à 3m de large bâti en pierre liées au mortier avec 14 bastions. Deux portes ont été fouillées : la C à l’angle nord-est située entre la route et la séguia ne parait plus visible (détruite lorsque la route a remplacé la piste ?), la D au milieu du mur et se voit encore. Le hammam au bas de la pente a été fouillé en détail avec un plan, mais il est maintenant en partie recouvert par la route. Les habitations à l’intérieur de l’enceintes sont actuellement très ruinées, mais on distingue les terrasses sur lesquelles elles sont bâties et ils décrivent l’une qui a été fouillée avec un patio carré de 20 m de côté et des pièces autour. Le bastion à l’angle sud-est est une tour de 9 m de haut qui existe encore. Ils n’ont pas fouillé les ruines au sommet de la montagne qui étaient difficile d’accès à leur époque, ni les nombreux tumuli sur le versant sud. »
Le site internet fait par le centre Jacques Berque comporte une vidéo par drone qui permet de bien visualiser.

TAZAGOURT
Depuis 2015 des archéologues anglais et marocains font un inventaire de nombreux sites archéologiques, avec visites des lieux, quelques sondages et analyses de restes organiques pour dater au carbone-14: le Middle Draa Project.
Paragraphe traduit par mon ami Michel Camus que je remercie vivement d’alimenter ces informations précieuses qui permet l’accès à un plus grand nombre.
« La ville moderne de Zagora se situe entre les oasis de Ternata et celui de Fezouata, sous l’imposant massif du Djebel Zagora qui oblige le Draa à prendre un virage serré vers l’ouest avant de poursuivre sa route vers le sud.
Il y a deux sites médiévaux fortifiés de Zagora, tous deux situés sur cette montagne – ZAG001 et la forteresse perchée sur le sommet même, avec ZAG002 construit sur la face nord de l’escarpement. Les deux sites étaient exceptionnellement bien conservés jusqu’à récemment et un plan préliminaire a été établi à partir d’images satellitaires, mais l’inspection sur le terrain a révélé d’importants dégradation de ces monuments clés. Les dommages à ZAG001 est particulièrement sévère du fait de la démolition systématique de bâtiments ruinés encore partiellement debout pour récupérer leur pierre à bâtir.
Les sites ne semblent pas avoir été exactement contemporains mais le fait que les murs de la ville basse étaient connectés aux murs de la ville haute à un moment donné, suggère qu’il y a eu au moins une certaine période commune d’utilisation. Une datation au carbone-14 des murs des parties supérieures et inférieures de la ville ont donné un ensemble de dates du XIe-début XIIe siècle, conforme à une date almoravide, mais avec des preuves d’occupation antérieure et ultérieure dans les siècles de part et d’autre. Fait intéressant, les dernières dates proviennent actuellement du site de la citadelle, qui s’étendait certainement bien dans l’ère almohade et peut-être plus tard dans le treizième siècle. En tout état de cause, l’association traditionnelle de ces sites avec les dynasties almoravides et almohades paraît correct (cf. Meunier & Allain 1956), même s’il reste à faire des recherches pour voir jusqu’où ils ont pu continuer sous le Mérinides (ou Wattassides).
Parmi les structures encore debout dans la ville basse se trouvent une série de grands monuments funéraires, dont l’un a été daté entre 989-1151.
Une autre découverte intéressante au cours de la saison a été l’identification des fours à poterie dans et autour d’une enceinte (ZAG015) juste à l’est des remparts de ZAG002. Ceux-ci ont évidemment produit la large gamme de poteries communes trouvés sur le site. Aucune preuve n’a été encore remarqué concernant la production locale d’objets décorés et de vaisselle émaillée.